En entreprise, ou même dès le supérieur, offrir aux jeunes des programmes de tutorat s’impose comme le meilleur moyen d’agir sur les disparités de genre et d’origine sociale.
Les choses avancent enfin sur le front de l’égalité de genre dans le monde de la tech. Le cabinet de conseil Deloitte estime ainsi qu’en 2022, pas moins d’un tiers des effectifs des entreprises du secteur sont composés de femmes. Pas encore du 50/50, donc, mais ce chiffre, en constante augmentation, est un record, laissant présager que le meilleur est à venir. Reste que si le recrutement de davantage de femmes est à saluer, il ne doit pas cacher que ces dernières font toujours face à un plafond de verre au moment d’envisager leur avancement professionnel. Malgré la féminisation grandissante des équipes, les dirigeants, du simple manager aux membres du board, restent très majoritairement des hommes. “Le problème de bien des entreprises qui entendent combattre les discriminations, c’est qu’elles utilisent les mêmes outils depuis les années 1960”, pose en préambule un article du Harvard Business Review au titre évocateur : Pourquoi les programmes en faveur de la diversité échouent. La bonne nouvelle, c’est que malgré ce funeste postulat, le texte offre des solutions facilement applicables. Et en premier lieu, d’offrir aux jeunes femmes l’accès à des mentors.
A peine une femme sur trois dit avoir accès au mentoring
Le mentoring n’est pas une pratique tout à fait neuve, mais elle s’est largement imposée ces dernières années comme politique managériale. Le principe est simple, il s’agit pour un cadre de servir de tuteur à un junior afin de le suivre pour mieux l’aider à s’épanouir dans l’environnement de l’entreprise. Ce tutoring n’a d’ailleurs pas à attendre le monde de l’entreprise pour trouver toute son efficacité. Dès les études supérieures, on note que les étudiants accompagnés ont de meilleurs résultats. D’autant que, comme évoqué par l’article du Harvard Business Review, l’impact du mentoring n’est pas tout à fait le même suivant les populations qui suivent ce type de programme. Ainsi, les minorités, sociales, de genre ou d’origine, en tirent un plus grand bénéfice. Une étude de l’université américaine de Cornell estime que ce type de programme augmente la représentation de ces populations parmi les managers de 9 à 24%. Ce ne sont pourtant pas eux qui ont un meilleur accès au mentoring.
Au moment de se mettre à la recherche d’un tuteur, il existe, en effet, une sorte de barrière mentale, notamment chez les femmes. “Les hommes ont tendance à davantage solliciter un mentor, comme à proposer de l’être, explique une étude réalisée par le cabinet de conseil DDI. Tandis que les femmes ont besoin qu’on les accompagne.” Les arguments avancés par l’étude sont ceux que l’on trouve généralement pour expliquer le plus grand succès des garçons dans les études supérieures : un conditionnement des femmes dès le plus jeune âge qui les fait douter de leur valeur, une plus grande peur de l’échec, d’être rejetées par le tuteur. De fait, à peine plus d’une femme sur trois aurait accès à un programme de tutorat, selon l’étude.
“Les étudiantes préfèrent largement une tutrice à un tuteur”
Contre ce biais, une solution semble se dessiner : proposer aux jeunes femmes et aux étudiantes des programmes de mentoring menés par des femmes. “Nous avons mesuré que les étudiantes préféraient largement une tutrice à un tuteur”, indiquent les chercheuses américaines Yana Gallen et Melanie Wasserman. Dans leur quête d’un ou d’une mentor, les femmes prennent beaucoup plus en compte le genre. “C’est un critère important pour pas moins de 50% des étudiantes contre à peine 10% des étudiants”, poursuivent-elles. Pour une écrasante majorité, cela s’explique par le sentiment d’une plus grande facilité à discuter avec une tutrice qu’avec un homme. Un aspect important du mentoring consiste en la capacité du junior, non seulement à trouver écoute et conseils, mais également à se projeter dans la carrière de son mentor. Et pour les femmes, cela passe par des modèles féminins.
Comme les hommes se fichent du genre du tuteur et que les femmes préfèrent des tutrices, proposer aux jeunes l’accès à des mentors femmes est fondamental. Présenter aux juniors et aux étudiants des succes story autres que celle, sempiternelle, de l’homme blanc bien né. C’est notamment pour cela que chez Human Expérience, nous faisons le choix de travailler avec des tutrices et des coaches femmes dans l’accompagnement quotidien de nos étudiants.
Pour autant, le seul accès à des tutrices ne pourra pas à lui seul combattre les disparités de genre dans le numérique. À moyen terme, cela pourrait même avoir le résultat inverse. En effet, moins nombreux, les cadres et exécutifs issus des minorités ont proportionnellement plus de demandes pour devenir mentor que les hommes blancs, indiquent Yana Gallen et Melanie Wasserman. Les deux chercheuses pointent ainsi que si la généralisation du tutorat se base uniquement sur la volonté de s’identifier à une figure de sa communauté, elle sera contre productive puisqu’elle aura un impact négatif quant à l’avancement professionnel des tuteurs. Plus de temps à donner à des juniors, donc moins pour accéder à un poste à haute responsabilité. Il est donc nécessaire que les hommes blancs jouent un rôle. “Vous voulez être des alliés ? Devenez mentor !”, titrait ainsi la directrice des produits d’Amazon Web Services (AWS); Nancy Wang, dans un billet de blog. Avant de conclure : “Les gars de la tech, il est temps de passer la seconde”.