Une étude parue fin janvier a montré que les grandes écoles restaient fermées aux jeunes qui ne sont pas issus d’un milieu favorisé. L’enseignement supérieur en général a un souci avec l’inclusion. Un problème que l’alternance peut aider à régler.
Après deux décennies d’initiatives et d’efforts affichés, le constat est amer. Fin janvier, l’Institut des Politiques Publiques publiait une étude sur la démocratisation des grandes écoles depuis le début du millénaire, et plus généralement sur la diversité sociale, géographique ou de genre dans les études supérieures. Si ses auteurs, Cécile Bonneau, Pauline Charousset, Julien Grenet et Georgia Thebault, relèvent une réelle bonne volonté pour parvenir à des cursus plus inclusifs, ils notent que l’accès aux meilleurs diplômes, voire à un diplôme tout court, dépend énormément de la classe sociale de l’étudiant.
Le problème des bourses
Selon l’OCDE, un jeune d’origine très favorisée a 2,7 fois plus de chance d’accéder à une grande école qu’un autre élève simplement favorisé. Un rapport qui monte à 3,9 avec un jeune de la classe moyenne, et même 10 pour un étudiant défavorisé. « Ces inégalités sociales d’accès apparaissent toutefois plus prononcées pour les écoles commerce, les ENS et les IEP que pour les écoles d’ingénieurs », précise l’étude.
Des conclusions d’autant plus dures que les pouvoirs publics et les écoles ont largement œuvré ces dernières années pour augmenter la diversité dans le supérieur. De nombreuses institutions, comme Sciences-Po Paris, ont mis en place des passerelles pour favoriser l’admission des étudiants à l’origine peu favorisée. « Malgré les dispositifs d’ouverture sociale qui ont été mis en place par certaines grandes écoles à partir du milieu des années 2000, on constate que leur recrutement a très peu changé depuis 2006, qu’il s’agisse du profil social et scolaire de leurs étudiants, de leur origine géographique ou de la répartition filles/garçons », pointe pourtant l’étude.
Cet échec s’explique par différents éléments : le prix des études, une frilosité des écoles à prendre des profils variés ou encore l’autocensure des jeunes. Un mécanisme est en particulier pointé du doigt : les bourses et l’élargissement de leurs critères d’attribution en vingt ans. Selon les auteurs de l’étude, il biaise les analyses. « Le statut de boursier ne recoupe pas toujours la réalité sociale qu’on lui associe, et il ne permet pas les comparaisons dans le temps, car sa définition a beaucoup changé, nous avons donc préféré travailler sur la catégorie socioprofessionnelle des parents », explique Julien Grenet du CNRS, au Monde.
« Inégalité des chances »
Au mois de décembre, le Comité stratégique « Diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur », dirigé par Martin Hirsch, a rendu à la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidale, diverses préconisations quant à l’inclusivité dans le supérieur. Le texte va jusqu’à parler d’une « inégalité des chances », qui « puise ses racines dans des causes profondes de notre système éducatif, à tous niveaux de formation, et longues à faire évoluer ». Parmi les solutions mises en avant par le Comité, on retrouve notamment l’alternance. Les filières d’apprentissage ont en effet plusieurs avantages qui pourraient permettre une plus grande diversité post-Bac.
Le premier, bien sûr, est l’aspect économique. « Il existe des obstacles financiers – malgré les bourses – aux études supérieures longues, indique le Comité. Même si elles sont gratuites, les classes préparatoires sont moins accessibles aux élèves modestes, car incompatibles avec un emploi étudiant, compte tenu des horaires et du rythme de travail. Les écoles de management ont des frais de scolarité qui sont un problème pour les élèves modestes. » Ainsi, même quand l’étudiant est boursier, s’il a dû quitter le foyer familial pour intégrer une école ou un cursus dans une autre ville, il doit bien souvent travailler en dehors des heures de cours, surtout si les parents ne sont pas capables de financer un appartement.
La diversité contre les clones
En garantissant à la fois un diplôme gratuit et un salaire à la fin de chaque mois, l’apprentissage en entreprise est sans aucun doute le moyen le plus sûr d’abattre ces barrières financières. Mais ce n’est pas tout. L’alternance est aussi un bon moyen de lutter contre l’autocensure, en proposant des cursus peut-être moins abstraits, mais davantage en connexion avec les besoins du monde de l’entreprise. Il est entendu que l’alternance est un bon moyen de fidéliser et modeler les élèves aux pratiques de la société dans laquelle il va passer une ou deux années. Une formation qui peut aider des jeunes en manque de repères et de modèles, car ayant des parents qui ne sont pas passés par le supérieur, à comprendre certains codes sociaux.
Chez Human Experience, nous pensons que l’enseignement en alternance peut encore faire davantage pour la diversité sociale. Notre pari est simple : proposer à des étudiants aux profils variés des cursus clefs en main, avec à la fin un emploi à forte valeur ajouté dans un grand groupe. Nous voyons dans la différence de culture une vraie force. D’autant que pour lutter efficacement contre le décrochage, nos promotions sont organisées par classe où tous les jeunes collaborent dans la même entreprise. De fait, si l’un d’entre eux n’a pas forcément tous les codes en arrivant au départ, il les acquiert grâce à l’esprit de groupe. La bonne volonté ne suffit plus, et le monde de l’entreprise l’a bien compris. « C’est dans notre volonté d’aller vers plus d’inclusion et de diversité, confirme Ketty de Falco, CEO de la division Insight de Kantar en France, qui accueille un cursus Human Experience. Notre rôle, c’est d’apporter de la cohérence à des profils hétérogènes, plutôt que de recruter des clones tous venus d’écoles de commerce. » La balle est dans le camp du monde de l’enseignement supérieur.