Alors que le nombre d’étudiants et de lycéens en alternance continue d’exploser, ces chiffres encourageants cachent une tout autre vérité, celle de l’existence de discriminations de genre et d’origine sociale.
Au lycée comme dans le supérieur, l’alternance fait sa révolution. Depuis quelques années, ce qui a longtemps été vu en France comme une voie par défaut, de voie de garage pour mauvais élèves, s’est transformé en une orientation prisée, même à l’intérieur de cursus parfois sélectifs. Logique, finalement : si l’arrivée des jeunes sur le marché de l’emploi est un enjeu crucial, l’alternance, moyen de concilier théorie en classe et vécu en entreprise, est une garantie d’embauche facile à l’issue des études. De fait, les effectifs de lycéens et d’étudiants alternants ont explosé depuis 2010 – et c’est encore plus vrai dans le supérieur où leur nombre d’alternants a augmenté de 83% au niveau Bac+2 et au-delà entre 2010 et 2019. Des chiffres impressionnants, mais qui cachent une réalité autrement moins réjouissante. Alors que l’alternance permet, en théorie, d’ouvrir certaines filières à de nouveaux profils, la généralisation de l’apprentissage a surtout bénéficié aux garçons originaires d’un bon milieu social – la population à qui bénéficiait déjà l’ancien système.
“Division sexuelle du travail”
« Deux apprentis sur trois sont des garçons. Alors qu’à peine plus d’une personne active sur deux est un homme », révèle ainsi l’étude Orienter vers l’Alternance, publiée fin septembre par l’Observatoire de l’Alternance. Cette surreprésentation n’a que très peu évolué en dix ans (66% aujourd’hui, contre 68,7% en 2011). Si au global, l’alternance a réussi à changer son image, dans les faits « les filles auraient tendance à moins valoriser la modalité de l’apprentissage pour de multiples raisons : surcroît de mobilisation scolaire, choix raisonnés et raisonnables, intériorisation d’un habitus de genre, “aspiration” personnelle… ». D’autant que les cursus qui accueillent le gros de ces étudiants ne se sont toujours pas défaits des stéréotypes de genre.
Qu’il soit question d’informatique, de BTP ou d’école d’ingé, les jeunes filles continuent de ne pas s’imaginer suivre des filières historiquement masculines. En écoles d’ingé, par exemple, on ne compte que 32% d’étudiantes, avec des écoles où les filles ne représentent que 5% des effectifs… « Dans les domaines de production, on compte près de 89 % de garçons dans les classes de CAP et bac professionnel », ajoute l’étude de l’Observatoire de l’Alternance. D’autant que si les filles sont souvent ultra-minoritaires dans ces cursus, l’inverse n’est pas vrai, avec une part de garçons dans les filières à majorités féminines plus élevée. Une observation qui, comme l’explique la chercheuse Prisca Kergoat, montre que « l’apprentissage reproduit et renforce les effets de la division sexuelle du travail ».
Discrimination à l’embauche dès le lycée
Les origines géographique et sociale pèsent également dans l’accès des jeunes à l’alternance. L’étude note ainsi que par exemple au lycée la part d’alternant nés à l’étranger et/ou qui déclarent parler une autre langue que le français est inférieure à ceux qui ne sont pas en apprentissage. De même, vivre à « Paris ou dans une métropole offre une richesse en termes d’opportunités sans commune mesure avec ce que proposent les territoires ruraux ». Un constat qui appelle à voir plus loin que la théorie. Logiquement, on pourrait s’attendre à ce que l’alternance, parce que moins abstraite que les cursus généraux, soit un bon moyen pour ouvrir les études à une plus grande diversité de profils. Or, c’est bien le contraire qui se produit.
Comment comprendre, alors, que l’apprentissage se rate à ce point quant à sa diversité ? Selon l’étude de l’Observatoire, en plus de la question des aspirations de jeunes, voire de l’auto-censure vis à vis de certaines filières, il faudrait regarder du côté des entreprises. Et, plus précisément, du recrutement des alternants. En effet, les populations qui sont le plus à même de subir de la discrimination à l’embauche, le sont aussi au moment de trouver une alternance. « Ainsi, 15 % des jeunes (apprentis et lycéens confondus) interrogés par Prisca Kergoat déclarent avoir subi des discriminations lors de la recherche d’un contrat d’apprentissage », précise l’étude avant de poursuivre : « En approfondissant le sujet, elle avance même que “ce taux de discrimination est très certainement sous-estimé” car “une des premières caractéristiques des discriminations ressenties est la difficulté à les objectiver et donc à les identifier”. Le fait que les filles aient plus de mal à s’insérer dans des filières traditionnellement vues comme masculines que les garçons dans des filières féminines ou encore le fait que les jeunes issus de l’immigration soient plus nombreux à ne pas trouver d’entreprise peuvent vraisemblablement être considérés comme des illustrations de ces discriminations. »
Contre ce phénomène, il s’agit d’adopter une démarche pro-active. « Si l’on veut faire de l’alternance un levier d’inclusion et d’égalité des chances, il s’agira alors d’accueillir des jeunes de tous horizons », conclut l’étude. « Il faudra alors davantage les accompagner dans leurs premiers contacts avec les entreprises et les aider à développer les qualités et compétences attendues par les employeurs. » Des préconisations qui sont, également, au cœur de la philosophie de l’école Human Expérience. Nous faisons du recrutement d’étudiants aux profils et aux origines diverses, puis de leur accompagnement dans le développement de leur plein potentiel en entreprise, les fondements de notre enseignement. Le monde de demain à besoin de tous les talents pour se réaliser – encore faut-il donner une chance à ces derniers.