Largement subventionnée lors du quinquennat qui s’achève, l’alternance a doublé, s’ouvrant à des cursus plus pointus, à des diplômes allant jusqu’au bac+5. Un vrai basculement de philosophie qu’il convient d’accompagner et de poursuivre.
Le monde de l’alternance est en pleine métamorphose. Boosté à la fois par des entreprises à la recherche de profils techniques et innovants qui n’existent pas sur le marché du travail, la soif des jeunes à vivre au plus vite leur première expérience professionnelle et un cadre juridique et financier avantageux, le nombre de contrats d’apprentissage et de professionnalisation a explosé ces cinq dernières années. De sorte que même la crise du Covid qui a figé l’économie mondiale pendant de long mois n’aura pas pu entraver cette hausse impressionnante. Après un premier record en 2020, le cap des 700 000 contrats signés a été dépassé en 2021 pour la première fois. Sur cinq ans, ce chiffre a même été multiplié par 2,4 ! Mais plus qu’une simple augmentation numérique, cette explosion cache un changement de paradigme. Ainsi, lors du quinquennat, ce sont surtout les étudiants du secondaire qui ont été le moteur de cette évolution, beaucoup plus que les élèves infra-bac. Ceux qui préparent un Master, un BTS ou même une licence en alternance sont même aujourd’hui majoritaires (62% pour 2021). « C’est une révolution !», se félicite Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au ministère de l’Enseignement supérieur.
Boosté par le numérique
« Révolution », car longtemps l’alternance a souffert de son image. On la disait réservée à des métiers peu qualifiés, des métiers mal vus car manuels et mal rémunérés. Cette représentation peu flatteuse s’estompe : s’il y a révolution c’est qu’elle est pour beaucoup portée par le monde du numérique et de la tech. Un milieu qui s’il offre, au contraire, des contrats bien rémunérés pour des métiers de pointe, rencontre les mêmes problèmes que d’autres secteurs qui se reposent historiquement sur l’alternance comme le BTP : un manque criant de travailleurs formés. Pour combler le skill-gap dans des métiers d’avenir autour de l’intelligence artificielle, la Data, la cybersécurité ou encore l’internet des objets, l’alternance s’est imposée ces dernières années comme un incontournable. Un recours qui modifie, de fait, le niveau de diplôme proposé en alternance.
Avant la crise, déjà, l’Apec mesurait que les entreprises de l’informatique et de la R&D se tournaient massivement vers des alternants de niveau Bac+4/+5, dix points de plus que les autres industries. « La forte concurrence sur les mêmes profils dans ces deux secteurs peut expliquer la volonté des entreprises de conserver les alternants qu’elles ont formés, soulignait l’association des cadres dans un rapport en 2018. De plus, confrontées à un marché en tension sur des postes cadres depuis plusieurs années, elles doivent anticiper leurs besoins et recruter en amont les futurs jeunes diplômés. » Car côté entreprise, l’alternance est un moyen de mieux contrôler le coût du processus de recrutement tout en s’assurant une plus grande fidélité des talents.
« Un véritable tremplin vers l’emploi »
Il est, par ailleurs, intéressant de noter que la réalité d’une alternance en CAP ou en bac pro et en Bac+5 n’est pas la même. L’institut BVA a publié ce printemps son premier Observatoire de l’alternance. Dans cette enquête qualitative, réalisée autant auprès des entreprises que des étudiants, on apprend notamment que les étudiants niveau Master jouissent souvent d’un enseignement en entreprise de meilleure qualité, bénéficiant d’un meilleur suivi de la part de leur tuteur. Près de huit étudiants en bac+5 sur dix ont, ainsi, le sentiment d’avoir les mêmes avantages que les autres salariés de leur entreprise, contre une moyenne de 6 alternants sur 10. De même, les étudiants en Master sont beaucoup plus nombreux à bénéficier d’un 13e mois, d’une prime d’intéressement ou même du CE. Là se joue également cette révolution : dans le supérieur, et encore plus pour un haut niveau de qualification, l’alternance est moins une formation diplômante qu’une première étape de la vie professionnelle. Dans un monde où les mises à jour sont quotidiennes, les innovations technique et technologiques perpétuelles, l’étudiant est un talent au même niveau que les autres collaborateurs – simplement a-t-il moins d’expérience que ses collègues.
Logiquement, plus de 90% des jeunes en Master sont contents de leur alternance (dix points de plus que la moyenne). Une satisfaction d’autant plus logique que l’alternance dans le supérieur offre aux jeunes « un véritable tremplin vers l’emploi » pour citer l’Apec. Dans son dernier baromètre pour 2022, l’association note que « 12 mois après l’obtention de leur diplôme, 9 diplômés sur 10 de la promotion 2020 ayant effectué au moins une partie de leurs études en alternance étaient en emploi, contre un peu plus des trois quarts des non alternants ». Des chiffres qui poussent à l’optimisme. Surtout que l’alternance est l’un des moyens privilégiés pour ouvrir le monde des études supérieures à des élèves moins favorisés, longtemps laissés de côté par la voie royale obsolète prépa/école réputée. Ainsi, si la révolution de l’alternance propose une montée en gamme en termes de diplôme, c’est pour mieux ouvrir les études à une plus grande diversité de profils. Une façon pour les enfants des classes populaires, incapables sinon de financer leurs études, d’avoir accès à des métiers valorisés, de participer au futur de l’économie.